10 Mai

12 ème Etape : Calzada de Valdunciel-El Cubo De LaTiera Del Vino 15 Km

Tous les pèlerins se réveillent en bonne santé.
A chacun son rythme, Evonne a retrouvé les réflexes du Pèlerin. Son sac à dos est à présent rangé en un tour de main. Le petit déjeuner est expédié et nous sommes rapidement équipées pour le départ. J’ai un pincement au cœur.
La joie d’hier à l’arrivée de mes amis au refuge, fait place à la tristesse de les quitter ce matin.
Ursula et Dietrich me serrent dans leurs bras. C’est difficile de dire au revoir aux gens que nous aimons, la tendresse et les moments partagés ont rempli nos âmes.
Rejeanne et Bob ne sont pas encore prêts pour leur équipée de la journée. Ils chemineront de concert avec Ursula et Dietrich.
Mon cœur quoique désolé de cette séparation ne saigne pas, je sais que je les retrouverai.
Cette sensation est forte, solidement implantée. Je glisse une nouvelle fois, à l’oreille de Rejeanne, le point de rendez-vous à Compostelle si par hasard nous ne nous retrouvions pas avant : la fontaine aux chevaux face à la cathédrale aux environs de 19 h.
Je fais confiance à la vie, mais je veux m’assurer que quoiqu’il arrive nous nous reverrons au terme de ce pèlerinage.

Une vingtaine de Kilomètres nous attendent pour rejoindre El Cubo de la Tierra.
Beaucoup de macadam en perspective. Les camions frôlent le sac à dos, la pression mentale de cette menace permanente pèse sur le mental.
Un taxi nous dépasse en klaxonnant et des mouchoirs s’agitent à l’intérieur. Nos amis nous encouragent !

Mes pas s’étirent, la pluie s’en mêle et je sors le poncho sac à dos.
Evonne ne cesse de sourire, elle ne m’avait jamais vue transformée en Quasimodo.
Le poncho ne dessine pas une silhouette de rêve. C’est un intermède bienvenu, car les kilomètres sont monotones sur le tarmac, semblables les uns aux autres.

La pluie joue à cache-cache et nous nous relayons en première position. Le premier marcheur est plus soumis aux aléas du terrain et absorbe une plus grande part de la pression que représente le passage des Gros camions à quelques mètres de nous. Nous sommes de petits piétons sans carapaces face à ces monstres de 10 tonnes qui chargent sauvagement.
Il faut surmonter sa peur et confier sa vie sereinement à la divinité en laquelle on croit.

Le Camino n’est pas tous les jours une partie de plaisir : pluie, vent, route, inondations sont des obstacles naturels et renouvelés. Ce n’est pas un sentier de grande randonnée ! Certains jours nous sont offerts gracieusement, d’autres se méritent.

Nous arrivons à 12 heures. Le refuge est basic, Evonne use de persuasion auprès de la vieille dame qui nous fait les honneurs du lieu. Elle finit par nous ouvrir la seconde chambre, la première étant déjà occupée. Je suis affamée, aussi nous investissons le bar restaurant.
Le tenancier fait l’effort de nous servir immédiatement. Le pèlerin qui crie famine à du mal à attendre 14 h pour manger. Harold et Uhsui qui partageaient avec nous l’albergue hier soir font irruption dans la salle à manger du restaurant. Repas au calme dan une salle de restaurant vide. C’est reposant !

La douche est froide donc revigorante.
Le refuge se remplit rapidement, il n’est pas suffisamment grand pour contenir tous les pèlerins.
Le soleil inonde à présent les bancs, installés devant le refuge. Ils nous accueillent pour une sieste réparatrice.

Evonne, séduite par une troupe d’âne, fait la connaissance d’une vieille dame. Celle ci vient chercher son âne afin de le rentrer à l’abri pour la nuit. Heureuse de l’intérêt que nous lui portons, elle pose pour immortaliser ce moment. Elle nous offre sa bénédiction. Elle aurait sûrement aimé pouvoir parcourir ce chemin. Nous porterons en nous ses pas.
Il est réconfortant de rencontrer ce peuple espagnol encore très attentif à la démarche que nous avons entrepris. Ces personnes nous encouragent et nous accordent le droit de passage millénaire sur leur terre.
Quoique. Un troupeau de moutons regagne sa bergerie en traversant le village.
Le berger s’étonne de voir encore de drôles de pèlerins : « Les fous, marcher plus de mille kilomètres, ils ont du temps à perdre ceux là ».

Détail amusant, un personnage haut en couleur est venu en fin d’après midi pour nous expliquer le fonctionnement de l’eau chaude. Le compteur électrique est joint à celui de l’église fermée donc inaccessible. Raison pour laquelle je me suis douchée à l’eau froide. Je profite de l’intermède pour la visiter l’église tout en écoutant d’une oreille distraite ses explications.
En fait, nous risquons une panne totale d’électricité en utilisant le cumulus d’eau chaude.
La ligne électrique n’est pas suffisamment puissante pour subvenir à l’ensemble des besoins de l’église et du refuge. De toute façon la plupart des pèlerins ce sont déjà lavés à l’eau froide.
Son insistance à me répéter trois fois le même discours me saoule.
Je finis par lui accorder l’ensemble de mon attention. En fait c’est ça qu’il attendait de moi et j’ai même droit à une visite guidée de l’église. Elle est sobre, mais sympathique.

La fin de soirée sera animée. Hermann, Pèlerin qui à déjà accompli maintes fois le Camino, renonce aujourd’hui pour la première fois de sa vie.
Son corps refuse de continuer, les signaux d’alerte ont été nombreux, son amertume le ronge.
Un cercle de Pèlerins amicaux se forme spontanément autour de lui, l’entoure et le réconforte. Le Camino démontre à nouveau sa force, une communauté de vie s’active.
Des étrangers hier, se soutiennent ce soir. L’acceptation de nos limites physiques n’est pas facile. D’autant plus qu’elles évoluent avec l’âge. Pour un homme d’action, renoncer, est un acte de raison difficile à accepter. Les leçons sont souvent dures à apprendre. A chacun son Camino !

Notre compagnon de chambrée, un cycliste espagnol, avec courtoisie nous a attendus pour éteindre la lumière. Notre quotidien est ponctué par ces petites attentions qui rendent la vie plus douce. Il est infiniment agréable de ne pas avoir à tâtonner dans le noir afin de s’installer pour une bonne nuit de sommeil.

Le charme du Camino est parfois inégalé. Le maire de ce village, comme beaucoup de ses confrères, a acheté une horloge moderne qui égrène les heures et les quarts d’heure. Le son métallique de la sonnerie ressemble plus à une horloge de hall de gare qu’à celui mélodieux d’une horloge de village. Nos oreilles ne s’accoutument pas à ses grincements d’autant plus qu’elle sonne tous les quarts d’heure. Notre nuit est donc rythmée par ce grincement déplaisant.
En début de soirée les idées les plus saugrenues ont fusées pour démolir la chose, mais personne n’a osé se lancer. Espérons pour les pèlerins suivants qu’une panne va lui couper le sifflet.

Aucun commentaire: