13 ème Etape : El Cubo De LaTierra Del Vino-Zamora 33 Km
Nous sommes parties au petit jour. Le spectacle de l’aube naissante est somptueux.
Les nuages menacent, ils dansent la sarabande au-dessus de nos têtes.
Les premiers rayons du soleil enflamment ce ciel tourmenté.
Je prends le temps de déguster cet instant, j’en apprécie chaque minute, la hâte ne fait pas partie de mon planning. Grâce à mon appareil photo je fixe des paysages riches en couleur, la terre est rouge, le ciel est noir, les champs parfaitement cultivés attendent cette manne : l’eau.
Evonne marche en tête ivre d’espace à parcourir.
Des pèlerins nous rattrapent et nous dépassent rapidement. Ces nouvelles têtes disparaissent déjà à l’horizon. A peine un échange de regard, les pèlerins se font pressés, le mauvais temps les pousse en avant.
A 11 h Villanueva de Campean nous dévoile ses ruelles, nous avons parcouru les 13 premiers kilomètres. Nous retrouvons Harold et Ushui qui prennent des forces.
La tenancière est adorable, elle nous prépare deux « bocadillos » énormes et très appétissants : l’omelette déborde du sandwich. Mon estomac qui criait famine est enthousiaste, mais je me demande tout de même s’il va parvenir à contenir ce sandwich géant. C’est avec bonheur que notre hôtesse nous regarde engouffrer cette source de protéine.
J’apprends qu’elle a vu deux couples hier à l’aube, ils ont été déposés en taxi.
Rejeanne et Bob, Ursula et Dietrich nous précèdent de quelques encablures !
Elle ne nous laisse pas partir sans nous avoir remis un souvenir de notre passage dans son bar : un coup de tampon, accompagné d’un très joli calendrier de poche et d’un grand sourire
.
Cette halte précieuse a rechargé nos batteries. Heureusement car dès la sortie du village nous marchons sous la pluie. Ce sont 20 kilomètres pluvieux qui nous attendent jusqu’à Zamora.
Petit à petit le moral en prend un coup. Les chaussures s’alourdissent de boue qui colle. Un pas deux pas et débottage des semelles. La stratégie consiste à marcher là ou il y a de l’herbe.
Evonne prend l’eau. Les glissades avec le sac à dos se multiplient.
Nous marchons ensemble, heureuses de la présence de l’autre. Chaque pas est arraché au chemin, une énergie croissante est nécessaire pour avancer. Les pensées ont la même couleur que les intempéries, le moral est très bas. La volonté s’impose au corps qui commence à souffrir du froid qui s’infiltre malgré l’équipement. Les chaussures finissent par embarquer de l’eau. Une question revient sans cesse dans ma tête : pourquoi suis-je là !
Malgré la mauvaise visibilité, Yvonne, repère sur une pierre une poche ziploc transparente.
Un papier de couleur blanche a attiré son attention, nos deux noms sont clairement lisibles. Le moral remonte en flèche, mon âme d’enfant adore les surprises : deux bonbons et deux bananes nous attendent depuis hier. Mon cœur tressaute de joie, nos amis ont pris le temps de concocter cette attention pour nous, elle ne pouvait pas mieux tomber. Un mot accompagne les friandises: « Sweets for the sweets » Rejeanne and Bob; « Platanos for your empty stomach” Dietrich and Ursula.
Le sens de l’humour de nos amis est le bienvenu. Cette attention m’a réchauffé le cœur.
Les conditions climatiques seront les mêmes jusqu’à Zamora, mais mon soleil interne brille tellement fort à présent que mon corps n’enregistre plus les désagréments extérieurs.
Une épreuve marquera tout de même l’après midi. Au milieu d’une grande plaine, plusieurs chiens gardent un troupeau. L’un d’eux décide de nous accompagner un bout de chemin.
Mon taux d’adrénaline grimpe tout à coup de façon fulgurante. Le chien est l’animal que je crains le plus. Bien sûr sentant ma peur viscérale, ils en profitent pour me terroriser d’avantage. Ma raison n’ignore pas le phénomène, mais mon instinct, dicte mes émotions. Malgré la présence réconfortante d’Evonne à mes cotés, rien n’y fait, je suis terrorisée pendant plus d’une demi-heure.
Les rencontres canines sont fréquentent sur le Camino et toujours aussi inconfortables pour moi.
La faune sauvage ne m’impressionne pas, mais les chiens dits domestiques me terrorisent.
A chacun ses phobies.
Nous arrivons dans Zamora épuisées, trempées jusqu'à l’os. A l’entrée de la ville, je demande notre route à un couple d’espagnols. Les rencontres sont toujours intéressantes, notre interlocuteur a vécu quelques années en hollande. Il travaillait dans les mines, c’est avec plaisir qu’il engage la conversation en hollandais avec Evonne. Malgré la fatigue un sourire s’épanouit sur son visage. Retrouver les sonorités de sa langue c’est retrouver un peu de son pays.
Nos pas sont guidés jusqu'à la Plaza Mayor où une pension nous offre le confort d’une chambre bien sèche, bientôt transformée en lingerie. La nécessité me pousse à l’ingéniosité pour faire des étendoirs dans chaque partie disponible de notre chambre. Une suspente de parapente bien utilisée fournit une grande surface de séchage.
La portière de l’hôtel me fournit bien volontiers du papier journal pour sécher nos chaussures, ainsi qu’une paire de ciseaux. Evonne dont la multiplicité des talents ne cesse de m’étonner s’est proposée pour couper ma tignasse rebelle.
La ville est touristique, mais pas accueillante pour les pèlerins. Aucune albergue à l’horizon, l’inertie ambiante concernant nos besoins est palpable. C’est la première fois en Espagne que cette sensation de rejet me gagne.
Je parcours la ville pour l’apprivoiser, mais la sensation reste identique. Il me semble que mon statut de pèlerine n’a aucune signification pour les habitants de cette ville.
La fatigue est sans doute responsable de cette mauvaise opinion.
Je fais un détour par le Parador, le lieu est superbe, le personnel me réserve un bon accueil malgré ma tenue vestimentaire qui dénote fortement. Je laisse un message à l’attention de Rejeanne et Bob qui ont déserté leur luxueuse chambre. Je souhaite vivement les retrouver. L’occasion nous est offerte de discuter avec Harold et Ushui autour d’un verre. Décidément le sens de l’humour est une qualité souvent présente parmi les pèlerins. Cette rencontre imprévue est l’occasion de découvrir deux personnalités charmantes. Un rendez-vous est pris afin de partager le repas de midi le lendemain en compagnie de Rejeanne et Bob.
La soirée est très courte, la fatigue nous a rattrapées.
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