30 Avril

3 ème Etape : Carnaveral-Galisteo 35 Km

Je me réveille à l’aube. La journée promet d’être chaude et l’étape est longue.
Jacques m’attend au bar ou je déguste le traditionnel « café con leche ».
Il est 6h30 et nous voilà partis, suivant le bord de la route pour les trois premiers kilomètres. Je sors ma minuscule lampe de poche qui nous aide à signaler notre présence aux gros camions qui nous frôlent.
Les flèches jaunes sont difficilement détectables, mais avec un peu d’intuition nous restons sur le bon Camino. L’Hermitage San Christobal se devine à peine, la lumière est trop faible pour le photographier.

Jacques s’adapte gentiment à mon rythme de marche. Nous échangeons nos expériences de vie.
Il me décrit le vif plaisir qu’il a partagé avec son fils. Ce dernier lui a accordé une semaine de son temps pour marcher avec lui sur le Camino. La rencontre de deux générations qui ont pris le temps de se rencontrer vraiment pour la première fois.

Nous atteignons, sans effort, Puerto de los Castanos à 500 mètres d’altitude.
Dans la descente qui suit, Jacques accélère le rythme et d’un commun accord chacun reprend son chemin.
Peut être que le Camino nous réunira à nouveau ou peut être pas !

La forêt d’oliviers succède à la forêt de pins et je me perds.
Pas pour longtemps, mais tout de même, les flèches jaunes laissent place à beaucoup d’improvisation.
Je fais un détour par Grimaldo.
Il y a un château à la tour tronquée. Une légende raconte que l’on y invitait les pèlerins à dormir et qu’ils étaient ensuite assassinés par les habitants du château qui les détroussaient. Des hommes, appartenant à un ordre militaire, se déguisèrent en pèlerins, démasquèrent les vilains et les jetèrent en prison. Le roi ordonna le tronquage de la tour en châtiment. Honnêtement le détour n’en vaut pas la peine. La légende fait rêver mais le site n’est pas exceptionnel.

Le printemps est bien là ! La nature embaume, c’est une véritable pastorale.
Les clochettes des agnelles retentissent, la palette de couleurs est digne d’un impressionniste, les odeurs de la terre qui s’éveille remplissent l’air de fragrances envoûtantes.
Pour un peu je me croirais dans le premier chapitre des « lettres de mon moulin » d’Alphonse Daudet : installation.
Du coup je m’arrête après trois heures de marche pour une pose casse-croûte.
Adossée à un arbre je profite du moment.

Le Camino se déroule dans une nature façonnée par l’homme qui établit des clôtures de pierre, des plantations d’olivier ; mais qui reste absent du paysage. C’est le bonheur.
Il me reste encore 8 kilomètres à parcourir et les genoux commencent à chauffer.
Je croise un couple de Canadiens qui font honneur à leur casse-croûte.
Ils m’assurent que Jacques est en pleine forme et va ajouter 11 kilomètres à l’étape du jour.

Le soleil, qui jusque là étaient resté caché par une légère brume d’altitude, dévoile sa puissance.
Le Camino s’étire dans un paysage de plus en plus sec. Une petite risée d’air, bienvenue, refroidit mon corps en surchauffe.
Les Canadiens ont un rythme rapide et me rattrapent bientôt. Rejeanne et Bob sont adorables.
Mon temps de solitude s’interrompt et mon enthousiasme semble communicatif.
Nous arrivons avec facilité en vue des remparts de Galisteo.
Nous devinons deux silhouettes qui nous précèdent : Ursula et Dietrich.


En passant devant le bar/restaurant/hôtel à l’entrée du village nous prenons rendez-vous pour dîner ensemble ce soir.

Je souhaite dormir à l’albergue pour diminuer le budget et me replonger dans les contingences d’une pèlerine. Le confort est parfois souhaitable, mais ce n’est pas dans cet esprit que je désire faire le Camino. Je monte à l’intérieur du village, sur la Plaza Mayor, pour trouver la maison de Pedro.
Je frappe énergiquement à sa porte, mais il est extrêmement difficile de se faire entendre.
Après de multiples salamaleques, le vieux bonhomme se décide enfin, à me conduire jusqu’à l’albergue qui se trouve à l’extérieur du village, pas loin de la décharge municipale, à coté du camping.
Une troupe de Gitans y mène joyeuse vie encouragée par une musique tonitruante. C’est donc sur un air entraînant que je visite mon nouveau palais, rien qu’à moi pour ce soir.

Après un examen attentif de la literie, je constate que les ressorts des lits superposés, après une vie active bien remplie, méritent du repos. Mon dos ne souhaite pas que je dorme dans un « hamac » ce soir. Je nettoie le sol d’une pièce disponible et j’installe un matelas par terre. C’est avec une profonde délectation que je prends une douche brûlante et que je fais la lessive.
Les guides rotuliens vont également passer au lavage. La crème utilisée sur mes genoux c’est malencontreusement déposée sur la partie en contact avec ma peau. Un vilain échauffement rouge et douloureux marque la peau de mes genoux.
Je m’installe pour une sieste récupératrice, mais mon esprit n’est pas programmé pour ce repos compensateur, il n’arrive pas à s’arrêter.

A 17 h je sors visiter le village plus en détail. Tous les magasins sont fermés, le temps n’a pas la même valeur en Espagne et ouvrir les boutiques 1 heure après l’heure annoncée est monnaie courante. La qualité de la vie est bien plus importante et fondamentale que l’ouverture d’une boutique. Je fini par trouver un petit magasin fort sympathique dans le quel je croise à nouveau Rejeanne et Bob. Nous confirmons notre Rendez-vous pour 20 heures.

Je fais le tour de la muraille et fini par repérer un banc à l’ombre. J’entame la dégustation d’un litre de yaourt ce qui réjouit mon estomac. Tout en écoutant les conversations de la génération Mayor qui est installée à quelques pas, également à l’ombre de la muraille médiéval, je compose des SMS.
Ah ! Les progrès de la technologie. Je suis à même de rester en contact avec mes amis du premier Camino, c’est un réel bonheur de pouvoir partager avec eux mes émotions.

A 19 h les cloches appellent à la messe. Comme à l’accoutumé, la communauté est surtout féminine et vêtue de noir. Une demi-heure plus tard, je me rends dans le bar ou j’attends le couple canadien. Le match de foot bat son plein à la télévision, les sportifs de la chaise sont attentifs à ne par renverser leur bière malgré la cohue.

Mon rendez vous était fixé à 20 heures et une demi-heure plus tard le tenancier me relance pour connaître avec exactitude l’heure du dîner.
A 21 heures, personne en vue, au moment où je me décide à prendre un repas solitaire, le tenancier m’explique brièvement qu’ils vont arriver. Certains mystères sont difficiles à éclaircir en Espagne, même quant on comprend la langue du pays. J’attends donc encore un peu.

Wilhem apparaît. Nous devisons autour d’une bière et devant l’évidence de mon rendez vous manqué, je dîne en compagnie de Wilhem qui s’avère être un compagnon d’une richesse intellectuelle incomparable. Sa profession de chercheur en chimie est passionnante et sa vision de la vie très enrichissante.
Le mystère de l’absence de Rejeanne et Bob s’éclaircit. La tenancière de l’endroit les a renvoyés en leur disant que je n’étais pas là et en les invitants à repasser plus tard !



Les voix du seigneur sont impénétrables. Cette soirée en tête-à-tête avec Wilhem m’a permis de découvrir un personnage très attachant et j’en suis particulièrement heureuse.

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