18 Mai

19 ème Etape : Puebla de Sanabria-Lubina 30 Km

Molina se charge de véhiculer nos sacs à dos, ses genoux douloureux ne lui permettent pas de marcher. L’hôtelier, après nous avoir servi le petit déjeuner, nous indique un raccourci pour rejoindre le Camino. Aujourd’hui, je fais l’impasse d’une salutation à l’église du village.

L’aube se lève, superbe, des automobilistes nous confortent dans la direction à prendre. Une fois n’est pas coutume, les flèches sont rares et pas toujours en accord avec les descriptions du guide. Nous suivons la route, le macadam va dans la bonne direction et les panneaux de signalisation sont clairs.
Revigorée par ces quelques kilomètres où nous n’avons pas perdu le Nord et par une humilité retrouvée. Je décide de brancher à nouveau ma boussole interne et de suivre mon instinct.
Plus de doutes, je suis avec sérénité la direction que m’indique ma boussole interne.
Le miracle se produit, mes choix sont toujours les bons que nous soyons en pleine nature ou à l’intersection de deux routes, systématiquement les flèches jaunes réapparaissent.
Le jeu de piste est terminé, le doute s’est enfui, la confiance est de retour.

Les villages traversés sont pauvres, les maisons anciennes, et pour certaines à l’abandon.
Mais quelle beauté ! La pierre et le bois se marient harmonieusement, l’architecture adaptée à l’environnement forme un ensemble équilibré. L’être humain semble avoir déserté cette région.
Pas âme qui vive dans les rues, pas de bruit.
Evonne développe une théorie : le calme des villages explique la tendance expansive des habitants lorsqu’ils se retrouvent ensemble au bar. Le volume sonore pour des oreilles françaises ou hollandaises dans les bars est au-delà de notre seuil de confort. Nous avons du mal à résister à la pression que cela provoque sur nos sens. Leurs cafés si conviviaux et accueillants se transforment rapidement pour nos oreilles en lieux de torture auditive. Parfois nous réfléchissons à deux fois avant de franchir le seuil d’un de ces établissements.
La promesse de dégustation d’un « café con leche » l’emporte bien souvent, mais lorsque cela est possible, l’installation en terrasse reste la meilleure solution pour satisfaire à la fois nos papilles gustatives et notre nerf auditif.

Chaque village est un nouveau joyau. Les clochers, souvent accessibles, me permettent de sonner la cloche. Une tradition accorde au pèlerin le droit de signaler sa présence en carillonnant. Mon esprit ludique ne résiste pas à l’invitation et c’est avec délectation que je me prête à ce jeu, sous l’œil goguenard d’Evonne. En fait j’ai découvert ultérieurement que la cloche signal un danger pour les villageois. Il n’est donc pas recommandé de la sonner !

Nous déjeunons sur une terrasse à Padornelo. Notre hôtesse ravie de nous servir, nous comble d’attention. Elle nous apprend que Hans a déjà filé devant nous depuis une heure.
Cela ne nous empêche pas de prendre le temps nécessaire pour apprécier pleinement les sandwichs préparés à notre attention.

Le Camino devient plus sauvage, des gorges se resserrent autour de nous. L’aventure se précise.
Le chemin est inondé, les pluies des jours précédents ont raviné le sentier qui se trouve sous l’eau. C’est une rivière de boue, les pierres sont recouvertes d’eau. Tours et détours sont indispensables. Un peu d’observation, quelques années de pratique montagnarde et du bon sens permettent de déjouer les pièges du chemin. Les animaux sauvages ont tracé des sentes pour contourner les obstacles, il suffit de se laisser guider.
Evonne apprend à marcher sur l’eau en choisissant les pierres qui affleurent. Nous formons une bonne équipe, la confiance qu’elle accorde à mon jugement pour surmonter les difficultés galvanise mes capacités. Nous profitons pleinement de cette partie plus aventureuse.
C’est une réelle bénédiction de ne pas porter le sac à dos aujourd’hui. L’inspiration de ce matin était bonne. Je suis à présent très contente de ne pas avoir à porter ma maison sur mon dos.

Un pont en bois tout neuf nous aide à franchir un torrent. La chanson d’Yves Duteil me revient en mémoire : « Le petit pont de bois qui ne tenait plus guère que par un grand mystère et deux piquets tout droits ». Ici, au milieu de nul part, perdu dans ce creux de vallée, un pont de bois rutilant de jeunesse nous accueille pour une sieste bien méritée.

Le torrent s'ébroue joyeusement, il ruisselle sur les cailloux et produit une musique sauvage et vivifiante. L’eau cristalline qui s’écoule emporte la fatigue qui raidit les muscles. Nous sommes prêtes à repartir pour de nouvelles aventures !

Au détour d’un virage, nous découvrons avec stupéfaction une autoroute qui enjambe la vallée.
Des ouvrages d’art s’élancent, plantés sur des piliers colossaux. Un tapis magique survole la vallée, il emporte les automobilistes à vive allure.
Le décalage avec le paysage que nous venons de traverser est stupéfiant. La main de l’homme a réalisé des prodiges. Un ruban d’asphalte traverse de part en part ce paysage. Un tunnel creusé dans la montagne parachève l’œuvre.
Toujours plus vite, toujours plus loin, notre besoin de communication nous pousse à imaginer des créations qui répondent à cette nécessité moderne : la vitesse.
Le contraste est saisissant. Nous sommes pèlerines, nous avons choisit de voyager à pieds. Parcourir 4 kilomètres en marchant nécessite 1 heure, le trajet que nous effectuons quotidiennement se résume à une petite demi-heure de voiture.

Tout à coup, je réalise la chance qui m’est offerte. Je prends le temps de me rendre à pieds à Compostelle. De vivre pleinement cette expérience. Dans la vie moderne, le mode de déplacement est conçu pour économiser notre temps. Paris/Bordeaux en trois heures, Paris/Lima en 10 heures Nous catapultons notre organisme d’un point à l’autre de la planète. Les ponts enjambent les vallées, les tunnels traversent les montagnes, et nous, nous descendons à pieds, au fond des gorges et remontons pour passer les cols.
C’est un voyage à pieds, un voyage initiatique qui permet au corps et à l’esprit de trouver tranquillement leur harmonie.

Après ce bref intermède de civilisation moderne, nous retrouvons un paysage plus sauvage.
Les quelques villages traversés semblent sortis d’un livre d’histoire.
Nous faisons un voyage à travers le temps. La vie, ici, est restée figée. Je comprends mieux cette voix rapide, qui, à proximité permet de se rendre à grande vitesse dans la grande ville la plus proche.

Mais pour nous, la journée n’est pas terminée. D’une colline à l’autre, le sentier se déroule.
Un serpent, endormit en plein milieu du Camino, se fait prier pour regagner sa tanière.
Une biche fuit à notre approche.
Les pauses sont de plus en plus rapprochées, j’ai du mal à suivre les grandes jambes d’Evonne dans les descentes.

J’apprécie particulièrement notre solide amitié. Dans ces moments de grande fatigue, il est difficile de rester sereine. Le corps et le mental souffrent, la mauvaise humeur gagne du terrain. Nous ne savons pas avec exactitude combien de kilomètres restent à parcourir et dans quelle condition est le chemin. Les réserves d’énergie descendent rapidement. Mais notre synergie nous permet de nous épauler efficacement. Une pause, un encouragement, un trait d’humour, une main secourable sont toujours là au moment opportun.

Lubina apparaît enfin. Nous récupérons nos sacs à dos dans l’auberge privée ou s’est installée Molina. Le budget réclamé pour une chambre, un repas et le petit déjeuner est astronomique.
L’hôte furieux de notre décision de choisir l’albergue frise de très peu l’impolitesse vis à vis d’Evonne qui à encore assez d’énergie pour prendre les choses en main.
Le refuge qui se trouve à l’entrée du village nous ouvre ses portes. Enfin presque, avant de pénétrer dans ce lieu de repos, il nous faudra le mériter. Hans qui à réussit à dénicher les clés du refuge nous les confie. A peine en place l’accueillant arrive et nous somme de déclarer nos intentions. Une visite dans sa maison et de la diplomatie, le mettent de bonne humeur.
Le détour au magasin du coin remplit nos besaces.
Enfin, après moult tribulations, nous disposons d’un palace, rien que pour nous deux.
Nous ouvrons les volets, une vision qui englobe toute la vallée s’offre à nous. L’eau est chaude, la cuisine est bien équipée, le balcon est ouvert sur un paysage baigné par la lumière du soleil couchant.
Evonne nous concocte un repas succulent. Molina et Hans nous rejoignent pour partager un moment d’amitié.

Dans ce village de Lubina c’est la guerre. La guerre entre le refuge privé, dont la terrasse inondée de soleil vous accueille, mais où le pèlerin a besoin d’une bourse bien garnie ; et le refuge de la communauté, agréable, bien situé, propre mais fermé à l’usage du pèlerin qui arrive après une journée éprouvante de marche. Il faut courir tout le village pour dénicher les clés, montrer patte blanche au tenancier qui dans la foulée revient à plusieurs reprises vérifier qu’un pèlerin de dernière minute n’est pas entrain de resquiller l’hospitalité.

Le gîte est fabuleux, mais l’ambiance qui règne autour est inconfortable : porte fermée, course après 3 malheureux euros. L’intention est bonne, mais la mise en place de l’organisation humaine laisse à désirer. Dommage, c’est réellement un des meilleurs gîtes du chemin.
Nous profitons de la quiétude du lieu et la soirée se prolonge dans la froidure de la nuit.
Ultime confort, le radiateur électrique diffuse sa chaleur bienfaisante. Il réchauffe nos corps et finit de sécher nos vêtements.
Avant de m’endormir, je contemple la bougie d’Evonne. Son halo lumineux apaise mon esprit, il éloigne les soucis. Le Camino est merveilleux !
Je suis épuisée, mais demain mes forces seront revenues !

3 commentaires:

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