23 Mai

24 ème Etape : Villar de Barrio-Xunquerria de Ambia 14 Km

Nous nous offrons une grasse matinée jusqu’à 7 heures, suivie d’un petit déjeuner énergétique.
Le temps de faire chauffer les muscles et d’étirer les tendons et nous sommes sur la route à 8H30 !
Nous sommes heureuses de marcher à nouveau toutes les trois.

Le ciel tout d’abord incertain se dégage. La température est idéale. Les villages que nous traversons sont superbes. Aujourd’hui, c’est le cliché carte postale pour le pèlerinage.
Tout va bien et cela se lit sur nos visages radieux.
Nous marchons dans une plaine cernée par des montagnes. Le Camino s’étire tranquillement et notre pas s’adapte à cette atmosphère tranquille.

Molina, attentive veille à m’attendre quand les aboiements des chiens sont trop agressifs. Ma peur reste instinctive et profondément encrée. L’adulte que je suis devenue se retrouve toujours projetée dans son corps de petite fille quand la menace canine apparaît. J’avoue que la sensation de peur qui s’insinue en moi est désagréable. Mais mes amies chassent mes démons. Cela m’évite d’avoir à les affronter. Pour un temps j’apprécie qu’elles veillent sur moi.

Aujourd’hui notre étape est courte, 14 km nous séparent de Xunqueria de Ambia soit moins de 4 heures de marche. Je ne souhaite pas rester enfermée dans une albergue ou dans un village toute l’après midi.
Alors je scrute le paysage pour trouver un lieu de halte propice à cette atmosphère de calme et de sérénité qui caractérise cette matinée. La tâche n’est pas aisée. Nous sommes dans la plaine, les arbres se font rares et j’ai absolument besoin d’abriter ma peau des rayons solaires. Une exposition prolongée de mon épiderme pourrait déclencher une séance homard ! La couleur de ce crustacé n’a rien à envier à ma peau en cas de coup de soleil. C’est pourquoi j’utilise une crème dont je tairais l’indice, mais je vous assure que les rayons du soleil ont du mal à toucher ma carapace et dans le cas où cela s’avère inopérant, mon chèche, habilement utilisé, sert de chemise ou de robe en fonction des besoins.

Un coin magnifique se profile.
Des chênes centenaires abritent un banc installé au centre d’une chênaie.
L’herbe grasse est encore mouillée de rosée.
Une cigogne fait son nid dans un arbre solitaire plus loin sur la plaine.
Le coucou et les grillons nous offrent tout un monde musical.
Nous montons un camp dans ce site paradisiaque.

Le programme suit les envies de chacune : méditation, jeux de cartes, musique, sieste, lecture, contemplation, photo, écriture… Le temps a son rythme propre dans cette bulle de quiétude.
Nous profitons de chaque instant. Une fois encore, je savoure pleinement l’éloignement de la civilisation. Nos repères habituels sont absents et ils ne me manquent pas. La plénitude de ce moment reste gravée en moi. L’harmonie qui règne autour de nous, en nous et entre nous est aussi simple qu’une belle journée ensoleillée.

Quatre heures de temps réel se sont envolées dans le battement d’une aile de papillon.
La suite de la ballade. Eh ! Oui aujourd’hui c’est une ballade, est un enchaînement de sous bois profonds et de villages. L’ombre et la lumière qui jouent avec les feuilles composent une mosaïque de verts.
Une palette rafraîchissante de vie.

L’homme à quand même imprimé sa marque dans les sous bois. Depuis des millénaires, il délimite son droit de propriété ou d’appartenance à la terre grâce à une multitude de murets bien alignés.
Empilements patient de pierre, de génération en génération des mains ont édifié ces lignes sur la terre. Mélanges de gris, de bruns et de verts, ils perdent la bataille engagée avec la nature qui reprend ses droits. Laissés à l’abandon par les hommes, ils disparaissent sous la végétation, la vie trouve toujours son chemin. Mousses et fougères profitent de chaque interstice ou la terre nourricière s’est déposée pour étendre leur domaine.
L’albergue se situe à l’entrée de Xunqueira de Ambia sur les hauteurs. L’eau chaude fait défaut, c’est étonnant dans ce lieu dédié à la propreté et à la modernité. Mais rien n’est d’aussi revigorant qu’une douche froide quand le soleil brille et vous réchauffe de ses rayons.

Dans le village, les habitants sont en pleine activité. Une dizaine de villageois, installés devant une chapelle, effeuillent des pétales de fleurs. Ils préparent la fête de Corpus Christie. A cette occasion le village sera décoré de mosaïques créées au sol grâce aux pétales de différentes couleurs.
Un travail de longue haleine qui réclame beaucoup d’énergie et de savoir-faire. Mais c’est également l’occasion de se retrouver et de discuter. Un moment de convivialité où les anciens aiment partager leurs souvenirs.

La bibliothèque du village s’avère accueillante et c’est avec grand plaisir que je communique avec mes amis via internet. Ce lien, qui permet de conserver une adresse quel que soit l’endroit où l’on se trouve, est une bénédiction. Les messages reçus ou envoyés sont revigorants.

Le dîner nous trouve en compagnie de pèlerins australiens : Peter, Mike et Tony. Trois frères dont la joyeuse humeur est communicative. A eux trois ils totalisent un âge vénérable autour de 200 ans. Je ne sais si leur sagesse est à la hauteur du nombre de leurs années, mais leur sens de l’humour est rafraîchissant. L’allure svelte, les yeux pétillants, le sourire accroché aux lèvres et avec un accent à couper au couteau, ils nous racontent des histoires de voyage étonnantes.
Nous avons besoin de cette ambiance légère. Demain les filles vont prendre les bus jusqu’à Ourense. Molina attrapera son train pour Amsterdam à 13 h. Je rejoindrai Evonne à l’albergue pour profiter d’une dernière soirée ensemble. Elle repartira après demain en train.

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