17 Mai

18 ème Etape : Mombuey-Puebla de Sanabria 34 Km

Le soleil est revenu, Molina qui souffre de ses genoux prend un taxi pour se rendre à Puebla de Sanabria. Elle embarque avec elle le sac à dos d’Evonne.
Je me sens incapable d’abandonner ma coquille pour la journée.
Nous partons dès l’aube pour une journée de 33 kilomètres.

Le paysage est bucolique, le Camino serpente entre les champs et les bois. La verdeur printanière, avivée par les rayons du soleil et le ciel bleu, peint un tableau somptueux. La vie foisonne. La bergère promène ses moutons. Les lapins détallent dans les fourrés. Les oiseaux gazouillent. Les fleurs saluent cette aube nouvelle. C’est encore du Daudet !
La nature chante sa reconnaissance. La pluie a nourrie la terre et ses habitants. Chacun, à sa manière, participe activement à cette renaissance, qui, chaque année au printemps, appelle la nature à renouveler le miracle de la vie.
La nature, ce matin est d’essence divine.
Certainement comme tous les matins, mais aujourd’hui je suis capable de le ressentir, tout mon être résonne à l’unisson.

Une discussion passionnante absorbe notre attention et le doute s’empare de nos âmes, ne sommes nous pas égarées ? La dernière flèche jaune est loin derrière nous, le guide n’est pas vraiment d’une aide quelconque. Nous rebroussons chemin.
Pour revenir sur nos pas quelques minutes plus tard.
Nous entrons dans Cernadilla à 10 h du matin, l’envie d’un « café con leche » nous fait saliver.

L’effervescence qui règne dans ce village est anormale de si bon matin.
Une équipe d’ouvriers s’affaire autour d’un transformateur électrique. Deux sont au travail, quatre autres regardent. Bienveillants, ils nous signalent l’ouverture du bar dans quelques minutes.
En attendant nous installons deux chaises et une table au soleil. La pause est appréciable, nos provisions, sorties promptement du sac, sont englouties.
A mon grand déplaisir, un vieux chien s’installe à proximité espérant participer au festin.
Je tente de l’ignorer, mais malheureusement rien n’y fait. Décidément il est difficile de vivre parmi les hommes si l’on n’est pas en harmonie avec leur principal compagnon : le chien. Cette peur irraisonnée est une brèche dans ma paix intérieure. Brèche qui se présente à moi fréquemment. Mes amis ont tenté de me proposer des approches différentes du problème, mais jusqu'à présent rien n’y fait ! Evonne devant mon inconfort vient à ma rescousse.

Une camionnette fait irruption sur la place, deux jeunes femmes en débarquent et ouvrent le bar. Je m’avance pour commander les « café con leche » attendu. Malheureusement, l’électricité n’est toujours pas opérationnelle. La pause se prolonge. Le soleil chauffe la surface de la peau exposée à ses rayons, les ombres raccourcissent.

Les vaillants ouvriers ayant officié, la fée électricité nous délivre ses bienfaits et nous dégustons avec délectation deux « café con leche » bien mérités.

Les villages se succèdent : San Salvador de Palazuelos, Entrepenas, Asturianos, Palacio de Sanabrina. De clocher en clocher, de fontaine en fontaine, le Camino s’étire. Avec ici et là des incidents de parcours. Aujourd’hui c’est une visite touristique. Nous nous égarons régulièrement, incertaines de nous trouver sur le bon chemin.
Un kilomètre, deux kilomètres, trois kilomètres se rajoutent. La halte de la mi-journée nous trouve attablées dehors, à l’ombre d’un parasol, avec d’énormes sandwichs chauds qui disparaissent avec une étonnante facilité dans nos estomacs.

La beauté des villages que nous traversons nous fait oublier la fatigue qui s’accumule dans les muscles. Au détour d’un mur, nous rencontrons un habitant souriant qui parait surpris de voir deux pèlerines cheminer si tardivement, il est à peine 16h !
Il nous offre un grand verre d’eau fraîche et partage avec nous le confort de son banc installé à l’ombre des murs de sa maison. La discussion entamée en Espagnol, continue en Hollandais. Lui aussi a travaillé quelques années en Hollande. Ce sont des souvenirs de jeunesse encore présents à son esprit. Il restaure sa maison de famille pour accueillir bientôt ses enfants et petits enfants durant les vacances. Il nous invite à partager son repas et nous offre l’hospitalité d’une nuit.
Molina nous attend, aussi nous ne pouvons accepter son hospitalité. Il nous propose un acheminement rapide vers notre destination du jour. Un instant mon esprit se pose sur sa proposition, 10 minutes en voiture contre deux heures de marche. Ce n’est peut être pas raisonnable mais je souhaite parcourir cette étape à pieds, Evonne est du même avis.

Une joie supplémentaire m’est accordée. A plusieurs reprises, dans la journée, mes pensées se sont envolées vers Rejeanne et Bob, espérant de tout cœur que tout aille bien de leur coté.
La réponse jaillit sous mes yeux ! Mes amis sont là ! Rejanne semble si frêle sous son sac à dos.
Mais un sourire illumine son visage.
Nous échangeons des nouvelles. Depuis ce matin ils suivent nos traces.
Tout d’abord, un bar avec deux chaises, deux tasses et une table installées au soleil.
Puis, quelques kilomètres plus loin un scénario similaire : deux chaises, une table, un parasol, deux assiettes et deux tasses qui traînent. La piste est encore chaude : « Les filles sont passées par-là ». Ils sont rayonnants.

La journée n’est pas terminée, Evonne me pousse, nous reprenons le chemin.
Les kilomètres s’étirent interminables, le macadam surchauffé, résonne sous les pieds. Notre vigilance s’affaiblit et nous continuons de nous perdre.
Le jeu de piste continue le long de l’autoroute, je profite d’une pause pour laisser à l’attention de mes amis quelques friandises emballées dans un sachet étanche. Je souris d’avance en imaginant leur surprise. Je suis persuadée que ces quelques gâteaux seront réconfortants.

Mais bien vite je dois rassembler toute ma volonté pour suivre Evonne qui imperturbable avance.
Je me repose sur sa formidable volonté pour avancer, la mienne se suffit plus.
La ville est en vue, mais, Dieux ! Que les derniers kilomètres sont longs.
Evonne, gentiment, a adapté son pas au mien. Je suis plus petite et mes foulées, surtout quand je suis fatiguée, ne correspondent absolument pas à son rythme. Avec patience et malgré sa propre fatigue, elle m’accompagne jusqu’au bout. L’amitié s’enrichit des épreuves partagées.

A l’hôtel nous trouvons une chambre confortable, mais Molina est démoralisée, son genou ne va pas mieux. Malgré le réconfort que nous lui apportons son moral est atteint.
Epuisées par la journée de marche, nous ne visitons pas cette ville fortifiée qui semble magnifique. Pourtant la journée est placée sous le signe du tourisme, vus les tours et les détours dont nous avons agrémenté notre chemin.

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